Le réenracinement des deuxième et troisième générations
Résumé
Citations
« Le singulier de cette évolution est qu’elle se déroule au rebours de celles des précédentes immigrations. Traditionnellement, la première génération reste encore très liée à sa communauté d’origine et se sent mal insérée dans le pays d’accueil où la deuxième ou la troisième génération s’inscrit naturellement dans les modes de vie des autochtones. Dans le cas d’une petite mais bruyante partie de la jeunesse musulmane, nous assistons au phénomène inédit inverse décrit par Hugues Lagrange dans Le Déni des cultures, celui d’un « réenracinement des troisièmes et quatrièmes générations de l’immigration dans la culture de leurs parents et de leurs pays d’origine. ». Témoignages de ce « réenracinement », pointés aussi par Malika Sorel-Sutter, le refus de plusieurs jeunes d’utiliser la langue française au quotidien, y compris dans les cours de récréation, la remise en cause de la laïcité, et chez les adultes, le faible taux d’exogamie. Or comme l’avait fait remarquer, il y a plus de 30 ans, Emmanuel Todd dans Le Destin des immigrés : « Le taux d’exogamie, proportion de mariages réalisés par les immigrés, leurs enfants ou leurs petits-enfants avec des membres de la société d’accueil, est l’indicateur anthropologique ultime d’assimilation ou de ségrégation ». […] Par ailleurs, l’ouvrier Mohammed des années 1960 ne voyait pas de contradictions insurmontables entre le respect de sa foi et la fréquentation de non-musulmans. Prenons l’exemple des interdits alimentaires : « Ce qui pose question, écrit Dounia Bouzar, c’est la différence de posture envers la définition du halal : ce qui était, pour l’ancienne génération, une donnée négociable et souple est devenue ces dernières années une barrière qui empêche de “manger ensemble”. Jamais un musulman des premières générations n’aurait refusé de prendre un repas chez un non-musulman. Dans son islam à lui, il aurait eu peur d’être puni par Dieu pour avoir vexé une personne bien intentionnée. Aujourd’hui il arrive que de plus en plus de jeunes refusent une invitation de non-musulman, ou de non-pratiquant. » De même, la majorité des Algériennes venues en France dans les années soixante, n’étaient pas voilées. Aujourd’hui, leurs petites-filles le sont souvent, et comme par un effet de mimétisme ou d’« entraînement », nombre de leurs grands-mères ont fini par se voiler elles aussi." »