Staline a excellé dans l'art de la supercherie lors de congrès

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Débat parentCet argument est utilisé dans le débat Lénine est-il le précurseur de Staline ?.
Mots-clés : stalinisme, supercherie, manoeuvres, congrès[ modifier ].

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« Aucun de[s] orateurs n’exprima ses propres pensées. Le discours d’Engdahl avait été écrit par Willy Muenzenberg, l’exposé de Hynes était sorti du cerveau de Kommissarenko et c’est moi qui avais préparé le cours de Tom Ray sur l’art de la mutinerie et du sabotage contre les transports de munitions. Bien des délégués n’étaient eux-mêmes que de vulgaires imposteurs. Des étudiants chinois de Berlin parlèrent au nom des dockers de Canton et de Wei-Hei-Wei, on acclama un Noir de la Trinité – lequel avait passé la plus grande partie de sa vie à Londres – en tant que délégué des travailleurs noirs du Mississippi. De telles supercheries sont monnaie courante dans chaque réunion internationale communiste. »

Jan Valtin, Sans patrie ni frontières, Paris, 1947.

« Le deuxième jour des débats, il devint évident qu’aucune délégation des ports hindous ne viendrait à Hambourg. Le gouvernement anglais avait refusé leurs passeports aux Hindous et emprisonné le chef de l’organisation. Kommissarenko se promenait dans la salle du Congrès en monologuant. Soudain, se tournant vers moi, il me dit :

— Les Indes sont importantes. Nous avons besoin d’un Hindou à ce Congrès. Il faut m’en dénicher un, l’amener ici et nous lui ferons faire un discours.

Je me mis à la recherche d’un Hindou. Le vapeur Drachenfels de la Hansa se trouvait dans le port. Les soutiers étaient hindous. Je me hâtai de monter à bord du Drachenfels. Les Hindous ne me comprirent pas lorsque je leur parlai du Congrès. J’essayai une autre méthode.

— Ti aimes chanteuse ? Ti aimes petite femme qui chante ? Viens vite avec moi. Ti rien payer !

Trois des Hindous se décidèrent. Deux portaient des barbes mal taillées ; le troisième était rasé, mais maigre comme un clou. Tous trois portaient des turbans sales et des chemises qui flottaient par-dessus leurs ceintures. Se réjouissant à l’avance, ils me suivirent jusqu’à un taxi. Je les conduisis droit au Congrès.

— Allons, rentrez, dis-je, les chanteuses c’est ici !

Tous trois furent abasourdis, lorsqu’ils se virent dans une salle pleine d’hommes penchés sur du papier. Hébétés, ils regardaient fixement les bannières rouges tout autour d’eux. Je conduisis mes victimes derrière la table du Comité international jusqu’à l’estrade des orateurs. Je poussai celui qui n’avait pas de barbe en avant. Il y eut un roulement de tambour, puis le silence. Ernst Wollweber, président du Congrès, se leva et annonça d’une voix tonitruante qu’en dépit des tentatives de Scotland Yard pour saboter la participation d’une délégation hindoue, les camarades des Indes avaient trouvé un moyen de venir à la conférence. Il termina par ces mots : "Le représentant des dockers de Calcutta a maintenant la parole." Les trois hommes se tenaient muets sur la scène, et grimaçaient. Le jeune Américain, Mike Appelman, sauva la situation. Il foudroya les Asiatiques du regard.

— Combien de temps travaillez-vous ? demanda Mike l’air menaçant.

— Six heures à six heures, répondit l’un.

— Le camarade des Indes dit que les exploiteurs impérialistes forcent les ouvriers hindous à peiner sans interruption de six heures du matin à six heures du soir. Un minimum de douze heures par jour, et sept jours par semaine… Et maintenant combien vous paie-t-on ?

— Trois livres.

Les prolétaires hindous doivent travailler comme des esclaves trois cent soixante heures par mois, pour soixante shillings, ou six heures pour l’équivalent d’un quart de dollar. Se retournant vers les Hindous, il les interrogea de nouveau : Que mangez-vous ?

— Du riz.

— Ils sont nourris comme des animaux. Trois fois par jour, une poignée de riz, voilà la ration des travailleurs hindous. La salle gronda, et Appelman se retourna vers sa victime :

— Vous voulez plus d’argent, de meilleurs repas, pouvoir rosser votre patron ?

L’homme le regarda ébahi, puis il se mit à sourire et hocha la tête, l’air content.

— Les travailleurs hindous se déclarent désireux de se joindre à la lutte des classes, au combat pour de plus hauts salaires, des heures de travail réduites, pour la libération du joug des exploiteurs, pour le socialisme, pour la protection de l’Union soviétique, contre les attaques des requins impérialistes ! hurla Appelman.

Le Congrès éclata en applaudissements. L’orchestre attaqua L’Internationale et les délégués se levèrent et chantèrent. On évacua rapidement les trois Hindous de la salle. À la porte, ils demandèrent quand on allait leur faire rencontrer les petites chanteuses promises.

— Fichez le camp, vauriens, leur dit-on. Rentrez à bord de votre bateau ! »

Jan Valtin, Sans patrie ni frontières, Paris, 1947.

RéférencesRéférences

Arguments pourJustifications

Arguments contreObjections

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