Le développement économique d'une société et sa structure sociale se déterminent mutuellement
Résumé
Citations
« Le développement des forces productives, qui en dernière analyse détermine le développement de tous les rapports sociaux, est déterminé par les propriétés de l’environnement géographique. Mais dès qu’elles sont apparues, les relations sociales elles-mêmes exercent une influence marquée sur le développement des forces productives. Ainsi, ce qui est initialement un effet devient à son tour une cause ; entre le développement des forces productives et la structure sociale naît une interaction qui revêt les formes les plus variées à différentes époques. »
« À un certain stade de développement, les forces productives matérielles de la société entrent en conflit avec les rapports de production existants ou – ceci ne fait qu’exprimer la même chose en termes juridiques – avec les rapports de propriété dans le cadre desquels elles ont opéré jusqu’à présent. De formes de développement des forces productives, ces relations deviennent des entraves. Alors commence une ère de révolution sociale. Les changements dans les assises économiques conduisent tôt ou tard à la transformation de l’ensemble de la vaste superstructure… Aucun ordre social n’est détruit avant que toutes les forces productives pour lesquelles cet ordre est suffisant ne se soient développées, et de nouveaux rapports de production supérieurs ne remplacent jamais les anciens avant que les conditions matérielles de leur existence n’aient mûri dans le cadre de l’ancienne société. L’humanité ne se fixe donc inévitablement que des tâches qu’elle est en mesure de résoudre, puisqu’un examen plus approfondi montrera toujours que le problème lui-même ne se pose que lorsque les conditions matérielles de sa solution sont déjà présentes ou du moins en cours de formation. »
« Bien qu’un certain état des forces productives soit la cause des rapports de production donnés, et en particulier des rapports de propriété, ces derniers commencent eux-mêmes à influencer cette cause. Ainsi se crée une interaction entre les forces productives et l’économie sociale. Comme toute une superstructure de relations sociales, de sentiments et de concepts grandit sur la base économique, cette superstructure favorisant puis entravant le développement économique, entre la superstructure et la base naît une interaction qui permet de comprendre tous ces phénomènes qui, à première vue, semblent contredire la thèse fondamentale du matérialisme historique. »
« Le développement politique, juridique, philosophique, religieux, littéraire, artistique, etc., repose sur le développement économique. Ils réagissent tous les uns sur les autres et sur la base économique. Il n'est pas vrai que la situation économique est la seule cause active et que tout le reste n'est qu'un effet passif. Mais il y a une action réciproque sur la base de la nécessité économique qui finit toujours par l'emporter en dernière instance. L'État, par exemple, agit par la protection douanière, par le libre échange, par de bonnes ou de mauvaises finances, et même l'épuisement et l'impuissance mortelle des petits bourgeois allemands qui ressortait de la situation économique misérable de l'Allemagne de 1648 à 1830, qui se traduisit d'abord par le piétisme, puis par un sentimentalisme et par une servilité rampante devant les princes et la noblesse, ne fut pas sans effet économique. Ce fut un des plus grands obstacles au relèvement et il ne fut ébranlé que le jour où les guerres de la Révolution et de Napoléon eurent rendu aiguë la misère chronique. Il n'y a donc pas, comme on arrive parfois à se le figurer, une action automatique de la situation économique ; les hommes font eux-mêmes leur histoire, mais dans un milieu donné qui les conditionne, sur la base de rapports réels préexistants, parmi lesquels les rapports économiques, si influencés qu'ils puissent être par les autres rapports politiques et idéologiques sont en dernière instance les rapports décisifs et forment le fil conducteur qui permet seul de la comprendre. »
« Si nous voulions exprimer en résumé le point de vue défendu par Marx et Engels en ce qui concerne la relation entre la « base » désormais célébrée et la « superstructure » non moins célèbre, nous obtiendrions le résultat suivant :
- L’état des forces productives
- Les relations économiques que ces forces conditionnent
- Le système sociopolitique qui s’est développé sur la « base » économique donnée
- La mentalité de l’homme social, qui est déterminée en partie directement par les conditions économiques existantes et en partie par tout le système sociopolitique créé sur cette base
- Les différentes idéologies qui reflètent les propriétés de cette mentalité
Cette formule est suffisamment complète pour laisser toute la place voulue à toutes les « formes » de développement historique. En même temps, elle ne contient absolument rien de cet éclectisme incapable de dépasser l’interaction entre les différentes forces sociales et ne soupçonne même pas que le fait que ces forces interagissent n’a fourni aucune solution au problème de leur origine. »