La violence militante n'est que la réponse à une urgence
Résumé
Citations
« En 2013, dans la ville de Ciudad Juárez, dans l'État du Chihuahua, au Mexique, deux chauffeurs de bus sont retrouvés morts dans leur véhicule à un jour d'intervalle. Roberto Flores et Alfredo Zárata ont été assassinés, de nuit. Ils ont reçu plusieurs balles dans la tête.
Quelques jours plus tard, la presse locale reçoit la lettre d'une mystérieuse femme revendiquant les crimes. Les lettres sont signées «Diana, la cazadora de chóferes»: Diana, la chasseuse de chauffeurs. La femme, qui porte le nom de la déesse de la chasse, écrit: «[…] Mes comparses et moi souffrons en silence, mais dorénavant, nous ne pouvons plus nous taire. Nous avons été victimes de violences sexuelles commises par des chauffeurs qui travaillaient de nuit dans le quartier des usines, ici à Juarez et, alors que beaucoup de gens savent ce que nous subissons, personne ne nous défend ni ne fait rien pour nous protéger. C'est pour cela que je suis un instrument qui vengera les femmes. Il paraît que nous sommes faibles aux yeux de la société, mais nous ne le sommes pas; en réalité nous sommes courageuses et si on ne nous respecte pas, on se fera respecter par nos propres moyens. Les femmes de Juarez nous sommes fortes.»
Ce double crime intervient alors que l'État du Chihuahua connaît un regain saisissant de violence contre les femmes depuis quelques années. Sur ce point, El Pais écrit: «Le taux de féminicides a grimpé en flèche dans l'État [du Chihuahua] en 2008 à la suite de la guerre contre le trafic de drogue promue par [le président] Felipe Calderón. Entre 1993 et 2007, une femme a été assassinée tous les douze à quatorze jours. En 2010, année affichant les pires chiffres, il y a eu un féminicide toutes les vingt heures. Entre mars 2012 et mars 2013, le bureau du procureur de l'État a signalé soixante-treize femmes assassinées.» Les corps des femmes assassinées sont souvent retrouvés au bord des routes ou au milieu du désert. D'autres femmes disparaissent sans laisser aucune trace. »
« Surtout, c’est la vitesse à laquelle il est possible de faire évoluer les choses qu’il faut questionner. Parmi les revendications féministes, nombre d’entre elles ne peuvent qu’être envisagées par le prisme de l’urgence. C’est en particulier le cas avec la volonté de faire cesser les violences faites aux femmes et les agressions sexuelles.
Dans ces cas précis, il est, bien sûr, nécessaire de penser et de mettre en place des outils pédagogiques pour sensibiliser les jeunes générations, de se battre pour que les lois et leurs représentants reconnaissent et sanctionnent ces agressions. Ces combats sont en train d’être menés, mais les violences faites aux femmes continuent de s’abattre sur ces dernières.
Et dans ces conditions, est-il acceptable, si ce n’est possible, de maintenir une attitude pacifiste face à cette violence ? »