Présentation de l'argument
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« Chez Lénine, l’idée fondamentale qui mène au génocide est de considérer qu’une force ennemie met en danger de mort la Révolution. Ce sentiment de danger irrémédiable constitue ce que Nolte appelle le « noyau rationnel », le ressort psychologique et idéologique qui, aux yeux du génocidaire, justifie son action. Mettre à jour ce « noyau rationnel » n’implique en rien que l’on approuve ni le ressort, ni l’action qu’il déclenche ; mais ne pas le percevoir, ou refuser de le prendre en compte, c’est s’exposer à ne rien comprendre au génocide. Celui-ci relève incontestablement du délire, mais d’un délire logique, construit sur une idéologie et mis en œuvre à la faveur d’une conjoncture. Chez Lénine, la désignation de la victime est prétendument scientifique, mais elle repose sur la pseudo-science du marxisme-léninisme : sont désignés à l’extermination des groupes sociaux – et donc les hommes qui les constituent – qui représentent la propriété et plus généralement le passé – c’est-à-dire la société existante –, et qui, par nature, sont censés s’opposer au processus et au parti révolutionnaires, ce dernier étant lui-même censé représenter « l’avenir radieux » de l’Humanité. Le même ressort sera à l’œuvre chez Hitler, obsédé par l’idée de la menace qui pèserait sur le peuple allemand, mais chez le nazi la désignation de la victime reposera sur les critères d’une pseudoscience raciale qui définit qui est juif, demi-juif, aryen, etc. »
Stéphane Courtois, « Rafael Lemkin et la question du génocide en régime communiste », Communisme et totalitarisme, Perrin, Paris, 2009.
« Pour Lénine la terreur est doublement nécessaire : à la fois inévitable et indispensable, selon une logique fréquente chez Lénine où il faut s’employer à réaliser l’inéluctable. La terreur est un aspect du prix à payer pour donner à l’humanité débarrassée des insectes nuisibles et de tous les mécanismes et institutions de l’exploitation, un bonheur infini. La légitimation de la terreur de masse est, en dernière instance, ancrée dans la vision millénariste de Lénine selon laquelle il vaut mieux en terminer avec le capitalisme dans une fin pleine d’horreurs que de continuer à subir ce que le capitalisme produit, c’est-à-dire une horreur sans fin. »
Dominique Colas, « Lénine et la terreur de masse », Quand tombe la nuit, L'Âge d'Homme, Lausanne, 2001.
« Exterminer l’« ennemi du peuple » n’était que le prolongement logique d’une révolution à la fois politique et sociale où les uns étaient les « vainqueurs » et les autres les « vaincus ». Cette conception du monde n’était pas brusquement apparue après octobre 1917, mais les prises de position bolcheviques, tout à fait explicites sur la question, l’avaient légitimée. »
Nicolas Werth, Le livre noir du communisme, Robert Laffont, Paris, 1997.
« Entre le 6 et le 9 janvier 1918, dans un texte publié seulement en 1929, Lénine couche sur le papier sa pensée profonde :
« Seule la participation bénévole et consciencieuse de la masse des ouvriers et des paysans, dans l’enthousiasme révolutionnaire, au recensement et au contrôle sur les riches, les filous, les parasites et les voyous, peut vaincre ces survivances de la maudite société capitaliste, ces déchets de l’humanité, ces membres irrémédiablement pourris et gangrenés, cette infection, cette peste, cette plaie que le capitalisme a léguée au socialisme. […] pas de quartier pour ces ennemis du peuple, ces ennemis du socialisme, ces ennemis des travailleurs. Guerre à mort aux riches et à leurs pique-assiette, les intellectuels bourgeois ; guerre aux filous, aux fainéants et aux voyous. […] Toute mesure pratique prise pour mater réellement les riches et les filous, pour les éliminer, pour les soumettre à un recensement et à une surveillance sans faiblesse, a plus d’importance qu’une douzaine d’excellentes dissertations sur le socialisme. […] Des milliers de formes et de procédés pratiques de recensement et de contrôle visant les riches, les filous et les parasites doivent être mis au point et éprouvés pratiquement. […] La diversité est ici gage de vitalité, une promesse de succès dans la poursuite d’un même but unique : débarrasser la terre russe de tous les insectes nuisibles, des puces (les filous), des punaises (les riches) et ainsi de suite. Ici on mettra en prison une dizaine de riches, une douzaine de filous, une demi-douzaine d’ouvriers qui tirent au flanc. […] Là on les enverra nettoyer les latrines. Ailleurs on les munira, au sortir du cachot, d’une carte jaune [la carte des prostituées sous le tsarisme] afin que le peuple entier puisse surveiller ces gens malfaisants jusqu’à ce qu’ils se soient corrigés. Ou encore on fusillera sur place un individu sur dix coupable de parasitisme. »
De telles orientations, mises en œuvre activement par les bolcheviks et surtout la Tcheka, inaugurent le processus du génocide de classe, dont on retrouvera une structure homologue sous le nazisme. Cela commence par la désignation de l’ennemi – les « riches » et leurs amis (propriétaires d’immeuble, détenteurs d’actions, employés de banque, etc.) – et l’expression à son adresse de menaces caractérisée, secrètes ou publiques – « Pillez les pillards, volez les voleurs », « l’extermination sanglante des riches ». »
Stéphane Courtois, « Rafael Lemkin et la question du génocide en régime communiste », Communisme et totalitarisme, Perrin, Paris, 2009.
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Sous-arguments [ modifier ]
Lénine conçoit la terreur comme de l'hygiène sociale
Page détaillée Lénine conçoit la terreur comme de l'hygiène sociale
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« Lénine a combiné une vision de la société en termes de guerre des classes et d’hygiène sociale. Il a considéré que le premier but de la révolution était l’épuration du sol russe et que cette entreprise devrait être guidée par un parti lui-même épuré. Pour épurer la société et pour épurer l’épurateur, le recours à la terreur de masse n’est donc pas une méthode fortuite, accidentelle ou occasionnelle. L’origine de l’éloge de la terreur de masse est donc à référer à la doctrine léniniste dès qu’elle se forme avec la théorisation du bolchevisme dans les années 1900 et la théorisation du cours de la révolution russe après 1905. »
Dominique Colas, « Lénine et la terreur de masse », Quand tombe la nuit, L'Âge d'Homme, Lausanne, 2001.
Voir plus...Voir les citations restantes dans la page détaillée de l'argument.« La terreur de masse, à la différence de la guerre, est une violence contre des cibles sans critère de dangerosité manifeste, ce qu’on peut appeler les «
ennemis objectifs ». Elle renvoie à une conception du rôle du parti où celui-ci doit accomplir les tâches que le capitalisme a réalisées de lui-même en Occident. Lénine, et ceci dès le début de ses publications à la fin du XIXe siècle, considère que les koulaks sont des «
vampires », des «
sangsues ». Surtout il s’appuie en 1905 sur des textes de Marx concernant l’accumulation du capital en Angleterre et le «
cleaning of estates » qui s’y déroula, pour indiquer qu’il faudra débarrasser la terre russe, la nettoyer, et le mot utilisé est
tchiska, le terme générique qui sert aussi à désigner l’épuration dans le parti. Le parti doit réaliser les tâches que le capitalisme a accomplies en Occident, spécialement le nettoyage des campagnes. »
Dominique Colas, « Lénine et la terreur de masse », Quand tombe la nuit, L'Âge d'Homme, Lausanne, 2001.

Objections
A l'occasion du quatrième et non du cinquième anniversaire de la révolution d'octobre, il s'exprime ainsi sans employer les mots fumier moyenageux
Page détaillée A l'occasion du quatrième et non du cinquième anniversaire de la révolution d'octobre, il s'exprime ainsi sans employer les mots fumier moyenageux
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Pour le cinquième anniversaire d'octobre 1917 en novembre 1922, Lénine défendait exclusivement la NEP et le capitalisme d'état mis en place au printemps 1921. C'est l'année précédente en octobre 1921 qu'il se livre à un bilan de l'oeuvre sociale confrontée à l'oeuvre sociale des précédentes révolutions. Dans cette édition les mots nettoyer, écuries d'Augias, sont employés dans le premier des deux extraits. Nous n'avons pas trouvé "fumier moyen-âgeux." A défaut nous reproduisons le passage où les termes, "moyen-âge", "moyen-âgeux" et "moyenageuses", sont utilisés.
« Quelles étaient les manifestation essentielles, survivances et vestiges du servage en Russie à la veille de 1917 ? La monarchie, les castes, la propriété terrienne et la jouissance du sol, la situation de la femme, la religion, l'oppression des nationalités. Prenez n'importe laquelle de ces "écuries d'Augias" laissées, soit dit à propos dans une notable mesure, incomplètement nettoyées par tous les états avancés au moment où ils firent "leurs" révolutions démocratiques bourgeoises, il y a 125, 250 ans et plus (1649 en Angleterre), -prenez n'importe laquelle de ces écuries d'Augias : vous verrez que nous les avons nettoyées à fond. En quelques "dix semaines", depuis le 25 octobre (7 novembre) 1917 jusqu'à la dissolution de la Constituante (5 janvier 1918), nous avons fait dans ce domaine mille fois plus que n'ont fait, "en huit mois" d'exercice de leur pouvoir, démocrates et libéraux bourgeois (cadets) et démocrates petits-bourgeois (mencheviks et socialistes-révolutionnaires). »
Lénine, « Pour le quatrième anniversaire de la révolution d'octobre », oeuvres de Lénine, tome 33 Aout 1921-Mars 1923, p.44, 14 octobre 1921, Editions Sociales, Paris, 1963.
Voir plus...« La Russie ne connaît plus cette bassesse, cette infamie et cette ignominie, qu'est l'absence de droits ou l'inégalité des droits pour la femme, cette survivance révoltante de la féodalité et du moyen âge, replâtrée dans tous les pays du globe, sans exception aucune, par la bourgeoisie cupide et la petite bourgeoisie obtuse et effarée.
C'est là le contenu de la révolution démocratique bourgeoise. Il y a cent-cinquante et deux cent cinquante ans les chefs éclairés de cette révolution ( de ces révolutions s'il s'agit de chaque variété nationale d'un type commun) avaient promis aux peuples d'affranchir l'humanité des privilèges moyenâgeux, de l'inégalité de la femme, des prérogatives accordées par l'Etat à telle ou telle religion (...) , de l'inégalité des nationalités. Cette promesse ils ne l'ont pas tenue. Ils ne pouvaient le faire, car ils en ont été empêchés par le "respect" de la "sacro-sainte propriété privée". Notre révolution prolétarienne n'avait pas ce "respect" maudit à l'égard de ces survivances moyenâgeuses trois fois maudites et de cette "sacro-sainte propriété privée." »
Lénine, « Pour le quatrième anniversaire de la révolution d'octobre », Oeuvres de Lénine : tome 33, p.45-46, 14 octobre 1921, Editions sociales, Paris, 1963.
En aout 1918 nous ne sommes plus au printemps mais en été dans un pays menacé dans sa souveraineté même.
Page détaillée En aout 1918 nous ne sommes plus au printemps mais en été dans un pays menacé dans sa souveraineté même.
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Il y a ici chez Dominique Colas une confusion curieuse des saisons (printemps au lieu d'été 1918 ) quant aux déclarations de Lénine. La conséquence est de faire coincider à tort la répression requise avec lon discours de décembre 1917-janvier 1918 sur l'émulation. Le lecteur se voit interdire ainsi toute explication possible par les circonstances. D. Colas occulte de ce fait l'attentat du 6 juillet 1918 par les SR de gauche, contre l'ambassadeur allemand à Moscou Von Mirbach qui mit dangereusement en péril la souveraineté de la Russie ; ainsi que la menace militaire sur tous les fronts en provenance d'ennemis politiques -dont les kouaks insurgés depuis le début juillet. Lénine, neuf mois après les débuts de la révolution d'octobre, en vient à tenir de tels propos.
« Au soviet de Nijni-Novgorod. 9 aout 1918.
Une insurrection de gardes blancs est manifestement en cours de préparation. il faut faire le maximum, déclencher aussitôt une action terroriste de masse. « Fusiller et déporter (sic) les centaines de prostituées"" (dixit), qui enivrent les soldats, les ex-officiers, etc » (…).Ne pas perdre une seule minute. Fusiller les détenteurs d’armes. Déportation massive des mencheviks et des éléments peu sûrs. Changer la garde des entrepôts, y mettre des hommes sûrs.
Votre Lénine »
Lénine, Oeuvres de Lénine, tome 35 lettres février 1912-décembre 1922, p.356, 9 aout 1918, Editions sociales, Paris, 1964.
Voir plus...« A G.Fédorov
9 aout 1918
Il est certain qu'un soulèvement des gardes blancs est préparation à Nijni-Novgorod. (...) « Fusiller ou déporter par centaines des prostituées qui entraînent les soldats à boire, d'anciens officiers, etc. Ne pas perdre une minute. Il faut agir par tous les moyens : des perquisitions massives. Fusiller ceux qui conservent des armes. Déporter en masse mencheviks et suspects. Changer la garde des dépôts, mettre des hommes sûrs (...) Donnez lecture de cette lettre aux amis, répondez par télégramme ou par téléphone.
Votre Lénine »
Lénine, Oeuvres de Lénine, tome 44 lettres et télégrammes octobre 1917-novembre 1920, p.108-109, 9 aout 1918, Editions sociales, Paris, 1970.
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Le génocide répond nécessairement à un critère ethnique
Page détaillée Le génocide répond nécessairement à un critère ethnique
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Un génocide répond forcément à un critère ethnique, comme le montrent les confrontations du nombre de victimes de l'hitlérisme et du stalinisme, revu et corrigé par Nicolas Werth lui-même : des dizaines de millions de morts en six ans pour le premier (Juifs et Tsiganes exterminés, Slaves), 1 à 2 millions dans le second en vingt-cinq ans (déportations de koulaks, décès dans les camps, terreur des années 1930). Il frappe dans un pays ou un continent mortellement toutes les classes sociales, tous les individus, que ces derniers soient riches ou pauvres. Si Staline fut l'héritier de Lénine (exception faite des grands procès de ses milliers ou dizaines de milliers de camarades du parti communiste), ce fut par le biais d'une révision drastique à la baisse des chiffres des victimes dont le critère de classe ne répondait pas à celui du génocide.
« Le Purgatoire est représenté par les camps de travail en Union soviétique, où l'abandon se combine avec un travail forcé chaotique. L'Enfer, au sens littéral du terme, a été incarné par ces types de camps, réalisés à la perfection par les nazis : là l'ensemble de la vie fut minutieusement et systématiquement organisé en vue des plus grands tourments (...) Point important à préciser : en aucun lieu, ni à aucun moment, la mortalité des camps de travail soviétiques n’a atteint celle que l’on a pu observer dans les camps de concentration nazis durant la guerre, et qui était de l’ordre de 50 à 60 % »
Nicolas Werth, « Le phénomène concentrationnaire soviétique au XXeme siècle », Les tumultes d'un siècle, p.p. 157-175, Éditions Complexe, Bruxelles, 2000.

Objections
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En mars 1920 Lénine souligne la nécessité de collaborer avec des spécialistes bourgeois
Page détaillée En mars 1920 Lénine souligne la nécessité de collaborer avec des spécialistes bourgeois
SOUS-ARGUMENTS |
OBJECTIONS
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« Les révolutions précédentes ont péri parce que les ouvriers n'ont pas su tenir par une dictature ferme et ne comprenaient pas que la dictature, la violence, la contrainte ne suffisaient pas pour tenir ; on ne peut tenir qu'en s'assimilant toute l'expérience culturelle et technique du capitalisme progressif et en prenant à son service tous ces gens. Quand les ouvriers qui se mettent pour la première fois à administrer se montrent hostiles au spécialiste, au bourgeois, au capitaliste qui, hier encore, directeur, s'enrichissait à millions et les opprimait, nous disons - et la plupart d'entre vous le disent probablement aussi -que ces ouvriers ne font encore qu'approcher du communisme. Si l'on pouvait bâtir le communisme avec des spécialistes non imprégnés des opinions bourgeoises, ce serait très facile, mais ce communisme là serait du domaine de la fantaisie. »
Lénine, « Discours prononcé au IIIème congrès des travailleurs des transports fluviaux de Russie », oeuvres de Lénine, tome 30, septembre 1919-avril 1920, p.442, 15 mars 1920, Editions sociales, Paris, 1964.
Voir plus...« Ici, l'expérience atteste que tout représentant de la culture bourgeoise, de la science bourgeoise, de la technique bourgeoise, doit être apprécié à sa valeur. Sans ces représentants nous ne pourrrons bâtir le communisme. La classe ouvrière gouverne en tant que classe (...) Mais pour édifier la société communiste, reconnaissons franchement notre immense incapacité à conduire les affaires, à être des organisateurs et des administrateurs »
Lénine, « Discours prononcé au IIIème congrès des travailleurs des transports fluviaux de Russie », oeuvres de Lénine, tome 30 septembre 1919-avril 1920, p.443, 15 mars 1920, Editions sociales, Paris, 1964.

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Références
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