Lénine a instauré la terreur dès son arrivée au pouvoir
Résumé
Citations
« Le 5 septembre 1918, face à la révolte des « verts » et des « blancs », après un attentat contre Lénine et sur le modèle du Comité de salut public en 1793, le pouvoir décréta la « terreur rouge », provoquant en deux mois de 10 000 à 15 000 exécutions sommaires – alors que de 1825 à 1917, la Russie avait enregistré 6321 condamnations en mort pour raison politique, et dans le cadre de procédures légales et avec de nombreuses commutations de peine. Cette terreur, qui fit en cinq ans des centaines de milliers de victimes, visait en priorité ceux qui étaient des ennemis politiques ou des membres de classes « condamnées par l’histoire » – bourgeois, nobles, commerçants, industriels, intellectuels, officiers, prêtres, mais aussi paysans propriétaires. Dès 1918, des milliers d’otages issus de ces catégories furent fusillés. L’acte le plus symbolique fut le massacre de la famille impériale, y compris les enfants et les serviteurs, dans des conditions horribles dans la nuit du 16 au 17 juillet 1918. Cette opération fut organisée par Lénine en personne, à l’insu même de la direction bolchevik. »
« C’est ce mouvement révolutionnaire inédit, fondateur du totalitarisme, qui s’empare du pouvoir le 7 novembre 1917, passe à l’acte et inaugure d’emblée, entre 1917 et 1922, un processus génocidaire fondé sur la terreur utilisée comme moyen de gouvernement. Conformément à la description des formes du génocide par Lemkin, on assiste dès la fin 1917 et le printemps 1918 à la désignation de groupes-cibles : aristocrates, bourgeois, propriétaires fonciers, industriels, officiers. Puis, dès le mois de mai 1918, Lénine lance le cri « mort aux koulaks », visant ainsi tous les paysans qui refusent ce que, par euphémisme, les bolcheviks nomment « réquisitions » – pillage pur et simple des biens et des récoltes par les agents du pouvoir. Avec le décret sur la « Terreur rouge », proclamée le 5 septembre 1918, sont visés tous les autres mouvements politiques, y compris les partis révolutionnaires – mencheviks, socialistes révolutionnaires, anarchistes – et tous les groupes qui ne se soumettent pas, y compris les ouvriers en grève. Enfin, au printemps 1922, Lénine donnera des ordres impératifs et précis pour exterminer l’ensemble du clergé et expulser les intellectuels qui ne rallient pas le régime. »
« La Terreur bolchevique, la seule que nous évoquerons ici, appelle plusieurs typologies pertinentes. Avec ses méthodes, ses spécificités et ses cibles privilégiées, elle fut bien antérieure à la guerre civile proprement dite, qui ne se développa qu’à partir de la fin de l’été 1918. Nous avons choisi une typologie qui fait ressortir, dans la continuité d’une évolution que l’on peut suivre dès les premiers mois du régime, les principaux groupes victimes soumis à une répression conséquente et systématique :
- les militants politiques non bolcheviques, depuis les anarchistes jusqu’aux monarchistes ;
- les ouvriers en lutte pour leurs droits les plus élémentaires – le pain, le travail, un minimum de liberté et de dignité ;
- les paysans – souvent des déserteurs – impliqués dans une des innombrables révoltes paysannes ou mutineries d’unités de l’Armée rouge ;
- les Cosaques, déportés en masse en tant que groupe social et ethnique réputé hostile au régime soviétique. La « décosaquisation » préfigure les grandes opérations de déportation des années trente (« dékoulakisation », déportation de groupes ethniques) et souligne la continuité des phases léninienne et stalinienne en matière de politique répressive ;
- les « éléments socialement étrangers » et autres « ennemis du peuple », « suspects » et « otages » liquidés « préventivement », notamment lors de l’évacuation de villes par les bolcheviks ou, au contraire, lors de la reprise de villes et de territoires occupés un temps par les Blancs. »