À la différence des menchéviks, les bolchéviks s'opposaient à l'alliance du prolétariat à la bourgeoisie et défendaient la perspective de la dictature démocratique du prolétariat et de la paysannerie en Russie
Résumé
Citations
« C’est précisément sur ce point que commence le désaccord fondamental entre les deux fractions. Le bolchévisme se refusait absolument à reconnaître que la bourgeoisie russe fut capable de diriger jusqu’au bout sa propre révolution. Avec infiniment plus de force et de consistance que Plekhanov, Lénine considère la question agraire comme le problème central du renversement démocratique en Russie. "Le point crucial de la révolution russe, répétait-il, c’est la question agraire" […] Malgré le caractère bourgeois indiscutable de la révolution agraire, la bourgeoisie russe restait, néanmoins, hostile à l’expropriation des grands domaines et, précisément pour cette raison, elle était pour un compromis avec la monarchie sur la base d’une constitution d’après le modèle prussien. À la position de Plekhanov préconisant une alliance entre le prolétariat et la bourgeoisie, Lénine opposa l’idée d’une alliance entre le prolétariat et la paysannerie. Il proclama que la tâche de la collaboration révolutionnaire de ces deux classes était d’établir une "dictature démocratique" comme unique moyen de nettoyer radicalement la Russie de tous les débris féodaux, de créer un système de paysans libres et d’ouvrir la voie au développement du capitalisme sur le modèle américain et non prussien. »
« La victoire de la révolution, écrivait-il [Lénine], ne peut être consacrée que par une dictature, car la réalisation de transformations, dont le prolétariat et la paysannerie ont un besoin urgent et immédiat, provoquera la résistance désespérée des propriétaires terriens, des gros capitalistes et du tsarisme. Il sera impossible, sans dictature, de briser cette résistance et de repousser les tentatives contre-révolutionnaires. Mais ce sera, bien entendu, non pas une dictature socialiste, mais démocratique. Elle ne pourra pas toucher (sans toute une série de stades transitoires du développement révolutionnaire) aux bases du capitalisme. Il ne lui sera possible, dans le meilleur des cas, que de réaliser un repartage radical de la propriété foncière en faveur de la paysannerie ; d’introduire un régime démocratique consistant et total allant jusqu’à l’institution de la république ; d’extirper tous les caractères asiatiques et féodaux non seulement de la vie quotidienne du village, mais aussi de l’usine ; d’inaugurer de sérieuses améliorations de la situation des travailleurs en élevant leur standard de vie, et, par-dessus tout, de mener à bien la conflagration révolutionnaire en Europe. »
« La perspective de Lénine peut être brièvement exposée comme suit : la bourgeoisie retardataire de la Russie est incapable de parachever sa propre révolution. La victoire complète de la révolution au moyen de la "dictature démocratique du prolétariat et de la paysannerie" purgera le pays des restes médiévaux, imprimera au développement du capitalisme russe le rythme du capitalisme américain, renforcera le prolétariat des villes et des campagnes, et ouvrira de larges possibilités à la lutte pour le socialisme. D’autre part, la victoire de la Révolution russe donnera une impulsion puissante à la révolution socialiste de l’Occident, et cette dernière ne protégera pas seulement la Russie des dangers d’une restauration, mais permettra également au prolétariat russe de parvenir à la conquête du pouvoir dans un délai historique relativement court. »