Le marxisme a une solide tradition d'animalisation et d'insultes haineuses

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« Ce qui est grave dans l’insulte et plus encore dans l’insulte animalière, c’est qu’elle est une invitation implicite, d’abord pré-consciente, puis consciente d’elle-même, à éliminer, c’est-à-dire à tuer. La chasse aux animaux dits nuisibles n’est-elle pas depuis fort longtemps et aujourd’hui encore une justification de toute chasse en général ? »

Jean Libis, « Vipères lubriques et rats visqueux », Cairn.

« Au-delà de ces infamies, il est frappant de remarquer que l’insulte animalière est fréquente dans l’histoire du marxisme politique. Pour l’instant il nous suffira de relever quelques exemples qui frappent autant par leur toxicité que par leur caractère délirant. Déjà Lénine qualifiait Trotski de « fils de chien » [12] dans un registre qui demeurait presque familier. Toutefois il n’est pas question de familiarité lorsque les grévistes sont traités de « moustiques jaunes » [13] qui méritent le camp de concentration.

Parfois la connotation animalière est plus élaborée ; ainsi lorsque le koulak est traité de « buveur de sang » [14], ce qui renvoie au tigre aussi bien qu’au vampire, mi-homme, mi-bête. À l’époque de la grande terreur stalinienne, un article de la Pravda propose d’enfumer « les nids des punaises hitléro-trotskytes » [15], expression qui à la lettre constitue un comble d’absurdité. Il est vrai que la fabrication de syntagmes monstrueux sous-entend une bestialité déchaînée ; par exemple, peu avant le procès des blouses blanches, un procès se déroule à Prague qui met en accusation un « groupe terroriste trotsko-tito-sioniste » ! [16].

La Chine maoïste n’est pas en reste et les professeurs d’Université, accusés de mandarinat, sont affublés de noms d’animaux variés [17]. Les gracieusetés s’échangent aussi sur un plan international : en juin 1960, Mao Tsé-Toung qualifie Nikita Krouchtchev de « révisionniste puant » ( !), l’allusion au putois ou au blaireau étant entendue ad libitum. Enfin on notera que dans les milieux trotskystes occidentaux, d’une part, et au sein des partis communistes d’autre part, les insultes foisonnent mais elles paraissent moins dépendantes de références animales [18]. Il est vrai que leur logique interne n’est plus, immédiatement parlant, la mise à mort. Elle est plutôt celle du schisme permanent. »

Jean Libis, « Vipères lubriques et rats visqueux », Cairn.

RéférencesRéférences

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