La classe ouvrière n'a jamais été homogène
Résumé
Citations
« La vision selon laquelle la classe ouvrière serait à considérer comme un tout organique homogène et indifférencié, dont l’unité politique serait l’expression mécanique de la position de ses membres dans le processus de production, est une vision erronée et complètement antimarxiste. Dans les années 1840, alors que les luttes ouvrières se développaient, en France et en Angleterre notamment, les cercles ouvriers, les groupes socialistes avaient proliféré, avec beaucoup d’énergie gâchée et de dispersion des militants et/ou ouvriers d’avant-garde. C’est justement pour lutter contre cet éparpillement que le Manifeste de 1848 avait affirmé la nécessité d’une organisation homogène dans son programme et sa stratégie, la nécessité d’un parti communiste, problème auquel le programme de transition de Trotsky cherchait justement à donner réponse. »
« La puissante unité sociale que représente le prolétariat apparaît dans toute son ampleur aux époques de lutte révolutionnaire intense. Mais à l’intérieur de cette unité, nous remarquons en même temps une incroyable diversité, et même une grande hétérogénéité. Du berger obscur et inculte au machiniste hautement spécialisé s’échelonne toute une variété de qualifications, de niveaux culturels, d’habitudes de vie. Enfin chaque couche sociale, chaque atelier d’entreprise, chaque groupe est constitué d’individus d’âge et de caractère différents, au passé diversifié. Si cette diversité n’existait pas, le travail du parti communiste dans le domaine de l’éducation et de l’unification du prolétariat serait tout simple. Mais au contraire, l’exemple de l’Europe nous prouve combien ce travail est en réalité difficile. On peut dire que plus l’histoire d’un pays, et donc l’histoire de la classe ouvrière elle-même, est riche, plus on y trouve de souvenirs, de traditions, d’habitudes, plus les groupements sociaux y sont anciens, plus il est difficile de réaliser l’unité de la classe ouvrière. »
« À certains égards, il y a eu une sorte de « parenthèse enchantée » dans l’histoire des ouvriers en France : celle qui a longtemps confondu le prolétariat avec l’ouvrier qualifié en bleu de chauffe de Renault-Billancourt, conscient, organisé, politisé par le PCF, disposant d’une place et d’un statut reconnu dans la société, porteur d’un projet, même malgré lui … Mais c’est un peu la même erreur de perspective que celle qui a consisté pendant longtemps à parler de « crise » à propos des années 1970 avant de se dire au bout d’un moment que ce qui était considéré comme la norme n’était peut-être qu’une parenthèse exceptionnelle, celle des « Trente glorieuses », et que la « crise » ressemblait bien davantage à un fonctionnement « normal » du capitalisme, même si l’histoire bien évidemment ne se répète pas à l’identique et que tout change. Mais quoi exactement ? »