Lénine n'a jamais appelé à l'extermination des bourgeois comme membres d'une classe
Résumé
Citations
« Mais Lénine a répété maintes fois sa volonté, affirmée le 9 juillet 1919, de "lutter implacablement contre cette idée présomptueuse […] (dixit) que les travailleurs sont à même de vaincre le capitalisme et l'ordre bourgeois sans rien apprendre des spécialistes bourgeois" (à savoir les officiers, mèdecins, ingénieurs, savants etc) " sans les utiliser, sans passer par une longue" école de travail " à leurs côtés." »
« Dans sa panoplie productiviste Lénine a une arme qui soulève beaucoup d'oppositions : le recours aux "spécialistes bourgeois", ingénieurs mais aussi organisateurs de trusts. Confier un rôle clef dans la production à des "bourgeois" compétents en les payant bien mieux que les prolétaires ordinaires est nécessaire parce que efficace. Cette méthode sera bientôt mise en oeuvre, sous l'impulsion de Trotsky, dans l'armée qui souffre d'un manque d'officiers communistes. Mais chez les ouvriers et les militaires, elle provoque des récriminations et des conflits intenses et, qui dureront même au sein des élites dirigeantes. »
« La querelle sur les spécialistes est acerbe et durable. Elle s'intensifie lors du VIIIème congrès du parti en mars 1919 […]. Lénine l'ouvre par un hommage à Sverdlov, le chef de l'état, qui mort de la grippe, vient d'être enterré dans un mur du Kremlin, première personnalité à bénéficier d'un tel honneur […] Puis il revient longuement sur la nécessité de recourir aux "spécialistes bourgeois" reprenant ses arguments du printemps 1918 qui concernaient l'économie. Il donne l'exemple d'un mèdecin dans la lutte contre les épidémies (alors même que la grippe et le typhus font des ravages terribles en Russie). Il insiste sur l'arriération culturelle de la Russie qui exige qu'on s'approprie le savoir du capitalisme industriel. Dans l'armée il est donc légitime d'utiliser des officiers de l'Ancien Régime. Certains peuvent trahir mais pas tous, si bien qu le bénéfice est garanti. »
« Nous n'imaginons pas d'autre socialisme que celui découlant de la grande civilisation capitaliste. Le socialisme sans poste, sans télégraphe, sans machines, est une phrase absolument creuse. Mais il est impossible de balayer d'un seul coup le milieu bourgeois et les habitudes bourgeoises, car nous avons besoin de l'organisation sur laquelle reposent toute la science et la technique moderne. Parler à ce propos de fusil, c'est la plus grande des sottises. Il dépend du degré d'organisation du peuple tout entier que l'ensemble de la population paie l'impôt sur le revenu, que l'obligation du travail soit instituée, que chacun soit enregistré ; tant qu'il n'est pas enregistré il faut que nous le payions. »
« Les primes seront inadmissibles sous le communisme intégral, mais dans la période de transition du capitalisme au communisme, elles sont inévitables, comme le montrent diverses considérations théoriques et la première année d'expérience du pouvoir soviétique. En même temps, il faut tout faire pour que les spécialistes bourgeois se sentent entourés d'une ambiance de travail collectif fraternel, main dans la main avec la masse des ouvriers , sousla conduite des communistes conscients. Avec beaucoup de patience, et sans se laisser rebuter par d'inévitables échecs, il faut s'attacher à éveiller chez ceux qui possèdent une formation scientifique, la conscience de tout ce qu'il y a d'infâme à faire servir la science pour son profit personnel et pour l'exploitation de l'homme, la conscience qu'il y a une tâche plus noble, celle d'utiliser la science pour la faire connaître à tous les travailleurs. »
« Nous avons eu recours à l'aide de spécialistes bourgeois, totalement imprégnés de la mentalité bourgeoise, qui nous ont trahis et nous trahiront encore pendant des années. Néanmoins, envisager d'édifier le communisme avec l'aide exclusive des purs communistes, sans celle des spécialistes bourgeois, c'est se faire des idées puériles. Nous nous sommes endurcis dans la lutte, nous possédons les moyens, l'unité, et nous devons suivre la voie d'un travail organisé, en utilisant les connaissances et l'expérience de ces spécialistes. C'est une condition indispensable, sans laquelle il est impossible de construire le socialisme. Nous ne pourrons construire le socialisme sans l'héritage de la culture capitaliste. Nous n'avons d'autres matériaux pour construire le communisme que ceux que nous a laissés le capitalisme. Nous devons maintenant construire dans la pratique, et il nous faut créer la société communiste avec les mains de nos ennemis. »
« Des centaines et des centaines de spécialistes militaires nous trahissent et nous trahiront ; nous les attraperons et les fusillerons. Mais nous avons régulièrement et depuis longtemps à notre service des milliers et des dizaines de milliers de spécialistes militaires sans lesquels il eût été impossible de créer l'Armée Rouge qui, sortie de la maudite guérilla, a su remporter de brillantes victoires à l'Est. Les hommes d'expérience indiquent avec raison que là où la politique du parti est le plus strictement appliquée en ce qui concerne les spécialistes militaires […] on trouve en somme, parmi les spécialistes militaires, le moins de propension à la trahison […] La guérilla, ses traces, ses vestiges, ses survivances ont causé à notre armée comme à celle d'Ukraine infiniment plus de mal, de désagrégation, de défaites, de catastrophes, de pertes humaines et materielles que toutes les trahisons militaires. »
« Le programme de notre parti, tant en ce qui concerne le problème général des spécialistes bourgeois, que la question particulière d'une de leurs variétés, les spécialistes militaires, a strictement déterminé la politique du Parti communiste. Notre parti lutte et "luttera implacablement contre cette idée présomptueuse, pseudo-radicale, et qui n'est en réalité qu'une preuve d'ignorance, que les travailleurs sont à même de vaincre le capitalisme sans rien apprendre des spécialistes bourgeois, sans les utiliser, sans passer par une "longue école" de travail à leurs côtés". »
« Les révolutions précédentes ont péri parce que les ouvriers n'ont pas su tenir par une dictature ferme et ne comprenaient pas que la dictature, la violence, la contrainte ne suffisaient pas pour tenir ; on ne peut tenir qu'en s'assimilant toute l'expérience culturelle et technique du capitalisme progressif et en prenant à son service tous ces gens. Quand les ouvriers qui se mettent pour la première fois à administrer se montrent hostiles au spécialiste, au bourgeois, au capitaliste qui, hier encore, directeur, s'enrichissait à millions et les opprimait, nous disons - et la plupart d'entre vous le disent probablement aussi -que ces ouvriers ne font encore qu'approcher du communisme. Si l'on pouvait bâtir le communisme avec des spécialistes non imprégnés des opinions bourgeoises, ce serait très facile, mais ce communisme là serait du domaine de la fantaisie. »