Bien avant l'insurrection d'Octobre, des ouvriers armés se mobilisaient dans le pays pour défendre leurs droits dans les entreprises
Résumé
Citations
« Le fait que les ouvriers étaient pourvus d’armes inquiéta les classes possédantes dès le début, étant donné qu’ainsi les rapports de forces étaient brusquement déplacés dans les usines. À Petrograd, où l’appareil d’État, soutenu par le Comité exécutif central, représentait au commencement une force indubitable, la milice ouvrière ne semblait pas encore tellement menaçante. Mais, dans les régions industrielles de la province, le renforcement de la garde ouvrière indiquait un bouleversement de tous les rapports, non seulement à l’intérieur de l’entreprise, mais aussi fort loin aux alentours. Les ouvriers armés destituaient les contremaîtres, les ingénieurs, et même les mettaient en état d’arrestation. Sur une décision des assemblées d’usine, les gardes rouges étaient souvent payés sur les fonds des entreprises. Dans l’Oural, où sont riches les traditions de la lutte de partisans de 1905, les compagnies de francs-tireurs ouvriers mettaient de l’ordre sous la direction des vieux militants. Les ouvriers armés liquidèrent presque imperceptiblement le pouvoir officiel, lui substituant les organes des soviets. Le sabotage pratiqué par les propriétaires et les administrateurs imposait aux ouvriers la charge de protéger les entreprises : machines, entrepôts, réserves de charbon et de matières premières. Les rôles étaient intervertis. L’ouvrier serrait solidement les poings sur son fusil pour défendre l’usine dans laquelle il voyait la source même de sa force. Ainsi les éléments de la dictature ouvrière, dans les entreprises et dans les districts, se fixaient avant même que le prolétariat dans son ensemble ne se fût emparé du pouvoir de l’État. »