Le capitalisme entrave l'accès au savoir
Résumé
Citations
« « Si la recherche universitaire est financée par des fonds publics, il n’y a aucune raison pour que ses publications soient privées ». Et pourtant…
La diffusion des publications universitaires dépend le plus souvent d’éditeurs qui tirent profit de situations de quasi-monopole en imposant une sorte de péage. Pour échapper à ce contrôle marchand qui rend inaccessible l’accès aux connaissances à une part importante de la communauté scientifique mondiale, un nombre significatif de chercheuses et chercheurs désirent rendre le fruit de leur travail intellectuel disponible en Open Access.
La lutte pour le partage des connaissances est déjà ancienne. Retour rapide…
Il y a un peu plus de 10 ans maintenant, Aaron Swartz subissait la pression de poursuites judiciaires, qui allait le mener au suicide, pour avoir téléchargé et mis à disposition gratuitement 4,8 millions d’articles scientifiques de JSTOR, une plateforme de publication universitaire payante. Aaron Swartz était partisan d’un libre accès aux connaissances scientifiques, levier d’émancipation et de justice.
C’est à peu près à la même époque qu’Alexandra Elbakyan a lancé Sci-Hub, animée du même désir de donner un large accès aux publications universitaires à tous ceux qui comme elle, n’avaient pas les moyens d’acquitter le péage imposé par des éditeurs comme la multinationale Elsevier.
Une large majorité de chercheurs, en France comme dans le monde entier, est favorable à l’accès libre à leurs publications.[…]
Le billet de Glyn Moody […] marque peut-être une étape dans ce long combat où la volonté de partager les connaissances se heurte constamment aux logiques propriétaires mercantiles qui veulent faire de la circulation des publications scientifiques un marché lucratif. »
« Dans une interview datant de janvier 2019, la fondatrice du site explique que Sci-Hub est “basé sur l'idéologie du communisme” et cherche à “lutter contre l'exploitation du travail des scientifiques”. Comme le rappelle Céline Barthonnat, éditrice au CNRS, “la diffusion du savoir scientifique fait partie du travail des personnels de la recherche [article L411-1 du code de la recherche]”. Elle ajoute que “beaucoup de ces recherches qui sont financées par l'argent public sont diffusées ensuite par ces éditeurs prédateurs”.
C'est en partie pour ces raisons que Sci-Hub affichait en 2019, selon sa créatrice, 400 000 visites par jour. Les Français sont d'ailleurs particulièrement présents puisque l'Hexagone fait partie des dix pays qui consultent le plus souvent la plateforme. Il faut dire que d'après des chiffres récents, Sci-Hub contiendrait 62 millions de documents, soit 85 % des articles publiés par les grands éditeurs.
C'est donc tout naturellement que la plateforme s'est retrouvée au cœur de l'actualité avec l'arrivée du coronavirus. Un groupe d'archivistes sur Reddit s'est en effet donné pour mission d'aller fouiller les archives de Sci-Hub pour extraire toutes les recherches sur cette nouvelle épidémie récemment classée “urgence sanitaire mondiale” par l'OMS. Au total, 5 352 articles scientifiques ont été récupérés grâce à Sci-Hub et ensuite téléversés sur le site The-Eye.eu.
“On n’aurait pas pu avoir une telle archive sans être dans une démarche de pirate”, explique Martin Clavey, journaliste scientifique, avant d'enchaîner : “Ces gens ont fait leur boulot d'archiviste, mais ils sont tout aussi pirates que Sci-Hub en mettant à disposition toutes ces recherches gratuitement.” La position est d'ailleurs totalement assumée par le groupe responsable du partage massif qui explique que le “projet est illégal, mais c'est la bonne chose à faire. Nous refusons de mettre le copyright au-dessus de la vie humaine”. »