En mai 1919 il s'entretenait frontalement et respectuesuement avec l'anarchiste Piotr Kropotkine
Résumé
Citations
« Lénine demande à voir Kropotkine et les deux hommes se rencontrent au bureau du Sovnarkom, début mai 1919. (...) Lénine admire Kropotkine, non pour son anarchisme, mais pour son ouvrage sur la révolution française, qui a formé deux générations de radicaux russes. A ses yeux c'est un classique incontournable qui devrait être réimprimé et figurer dans chaque bibliothèque. La discussion commence par un échange de vues sur les coopératives. Kropotkine déplore le harcèlement bureaucratique que subissent les authentiques coopératives : "Ceci arrive parce que les autorités locales - et peut-être même les révolutionnaires de la veille se sont bureaucratisés, comme n'importe quelle autorité : elles se sont transformées en fonctionnaires qui souhaitent pétrir à leur guise, les subalternes et pensent que la population entière leur est subordonnée." Réponse immédiate de Lénine : "Nous sommes contre les fonctionnaires, partout et en tout temps. Nous sommes contre les bureaucrates et la bureaucratie. Il nous faut arracher ces vieilleries avec les racines, si elles s'implantent dans notre nouveau régime. Mais vous comprenez parfaitement, Piotr Alexeivtich, qu'il est très difficile de faire changer les gens, et que comme disait Marx, la forteresse la plus imprenable est le crâne humain !"
"Cette explication", riposte Kropotkine, "ne facilite pas la vie aux citoyens, car le pouvoir en lui-même, constitue un poison redoutable pour tous ceux qui l'assument."
Lénine : "On ne fait pas une révolution avec des gants immaculés. Nous savons parfaitement que nous avons commis et continuons de commettre de nombreuses fautes ; tout ce qui peut être corrigé, nous le corrigeons, nous admettons nos fautes qui résultent souvent de la bêtise pure et simple. Mais vous, aidez-nous donc, signalez-nous toutes les erreurs que vous constatez et soyez assuré que chacun d'entre nous y accordera toute l'attention nécessaire". »
« Après quelques passes d'armes sur les coopératives, un autre sujet arrive sur le tapis :
" Nous avons besoin de masses éclairées dit Vladimir Illitch, et ce serait excellent si, par exemple votre ouvrage "La Grande Révolution française" pouvait être publié en grand tirage. Tout le monde en tirerait un énorme profit"
"Mais où donc le publier ? Ce ne serait pas possible aux Editions d'Etat. "
_ Non non, dit Lénine, interrompant Piotr Alexeievitch avec un sourire malicieux, pourquoi donc ? Bien sûr, ce ne serait pas aux Editions d'Etat, mais chez un éditeur membre d'une coopérative."
- Piotr Alexeievitch hocha la tête d'un air approbateur eh bien, dit-il, visiblement ravi de cette adhesion et de la proposition, si vous trouvez le livre intéressant et utile, je suis d'accord de le publier dans une édition bon marché. Peut-être sera-t-il possible de trouver un tel éditeur "
- On va le trouver (...) affirma Valdimir Illitch (...)
L'affaire es conclue. »
« A sa mort quelques années plus tard (février 1921), Kropotkine a droit à des funérailles nationales. Ses restes sont d'abord exposés dans la salle des Colonnes de la Maison des syndicats. Des dizaines de milliers de personnes viennent lui rendre hommage, puis assistent à son enterrement. Ce seront les dernières funérailles nationales d'un non-bolchevik. Kropotkine était en désaccord avec l'aile terroriste de l'anarchisme, mais pour lui comme pour Lénine et d'autres, elle s'inscrivait dans une histoire partagée, qui était aussi la sienne. »