L'ampleur de la répression bolchévik a été conditionnée par les circonstances de la révolution
Résumé
Citations
« Les imprécations présentant Lénine comme un tueur visent à la fois à interdire un examen sérieux de son action politique et à effacer de l'Histoire le fait incontestable qu'il a décrété une longue série de réformes démocratiques, qui pour la plupart n'ont été prises que beaucoup plus tard dans les démocraties occidentales quand elles l'ont été : la nationalisation des banques ; la séparation de L'Eglise et de l'Etat, la suppression de l'enseignement religieux obligatoire à l'école, l'interdictions des châtiments corporels pour les écoliers, la journée de travail de huit heures, l'instauration de deux semaines de congés payés, la création d'une inspection du travail, l'interdiction du travail de nuit pour les femmes (que l'Union Européenne imposera, elle, à la France en 2001 !) et pour les enfants de moins de 16 ans, l'interdiction également des travaux souterrains (la mine) pour les adolescents en-dessous de 18 ans, la suppression des discriminations entre ouvriers russes et étrangers ; l'instauration du mariage civil et d'un état civil, l'instauration d'un congé de maternité de huit semaines avant puis après l'accouchement, l'abrogation du code pénal tsariste (qui condamnait au bagne les homosexuels masculins) - abrogation qui entraînait la dépénalisation de l'homosexualité que l'Angleterre ne promulguera qu'en 1967 et l'Allemagne fédérale en 1969, le droit au divorce et, enfin la liberté de l'avortement […] »
« La nomenklatura, après avoir momifié et statufié Lénine, l'a transformé en démon sanglant et jeté par dessus-bord en même temps qu'elle pillait et disloquait la propriété d'Etat. »
« La vision de Lénine en tueur monomaniaque oublie une règle de l'Histoire : les périodes de révolution, de contre-révolution et de guerre poussent tous leurs acteurs à manier systématiquement l'hyperbole […] Les bolcheviks engagés dans une lutte à mort savaient ce qui les attendait alors qu'entre octobre 1917 et mars 1921 ils se trouvèrent plus d'une fois au chevet de leur perte. »
« Lénine dit généralement ce qu'il fait et fait ce qu'il dit […]S'il juge nécessaire de prendre en otage des parents d'officiers tsaristes recrutés dans l'armée rouge comme gage de leur loyauté, et si comme tous les belligérants il fait interner ses adversaires dans des camps de prisonniers, dits de concentration, il l'affirme par un décret ; s'il veut faire face à l'effondrement industriel par l'obligation du travail exigeant la contrainte, ou réquisitionner le blé des paysans qui se refusent à le vendre, il le dit, l'écrit et le répète ; face à la pénurie, il répartit, dit-il, les maigres ressources en fonction non du principe de la justice, mais pour sauver le pouvoir de ceux qui l'exercent. Il présente sans fard toutes ces décisions politiques, publiques, au nom de la nécessité, sans les déguiser en formes supérieures d'une morale éternelle. »
« Certes, dans le combat sans merci où il est engagé, Lénine utilise les ressources du secret et de la propagande. Trosky l'a souligné en 1938 : "la guerre est aussi inconcevable sans mensonge que la machine sans graissage" et chacun y cherche à égarer et tromper l'adversaire. Mais à la différence de Staline, le secret, la manoeuvre, la ruse ne sont chez lui que des moyens dérivés et seconds d'une politique dont il définit sans cesse les fondements dans ses articles, brochures et livres publics et ses multiples lettres depuis longtemps publiées dans leur écrasante majorité. »
« Lénine vouait un véritable amour aux idées de Marx et Engels. Et de la même manière, c'est avec le marxiste le plus éminent de sa génération, Karl Kautsky - ou plus exactement avec les écrits de Kautsky - qu'il a eu la relation la plus longue, la plus violente et la plus affective de sa génération […] Ce qui suscite sa ferveur, c'est "le scénario qu'il porte toute sa vie", le scénario à travers lequel il interprète les bouleversements du monde. Il contient un thème essentiel - "l'héroïque leadership de classe" -qui se déploie sur deux niveaux. D'abord au niveau le plus fondamental, il s'agit d'un leadership "par" la classe : le prolétariat russe qui dirige l'ensemble du peuple, principalement composé de paysans […] Lénine nourissait en outre une vision romantique du leadership "au sein de" la classe. Il voulait insuffler au militant de base - "le praktik" - une idée exaltée de ce que, par son leadership, ce dernier pouvait accomplir. »
« On trouve il est vrai cent fois sous sa plume et à tout propos l'exigence "d'arrêter", "fusiller," "pendre", même vis-à-vis de ses collaborateurs […] L'hyperbole rituelle chez Lénine répond à une triple fonction gommée par ses dénonciateurs : elle lui sert à souligner pour lui-même l'importance d'un problème et vise à la fois à paralyser la volonté de l'adversaire en le terrorisant et à secouer ses partisans, ceux dont il craint la molesse, l'indécision, l'inertie, l'insouciance, ou le dilettantisme […] Les destinataires de ces invitations furieuses s'y habituent vite et font le gros dos. Mécontent, Lénine redouble de vigueur verbale et ses imprécations font les choux gras des feuilletonistes en tout genre qui prennent les mots pour le grain des choses. »